Introverti (suite)

Le sage Jiddu Krishnamurti a dit :

Ce n’est pas un gage de bonne santé que d’être bien intégré dans une société profondément malade.

La discussion sur la santé (ou pas) de la société actuelle n’est pas le but de cet article, lequel ne fait que prolonger le précédent sur mon introversion et fait écho à mes diverses ruminations sur cet état et ses conséquences depuis l’avoir publié.

Dans la lignée de la réflexion classique de Socrate — Connais-toi toi-même ! — j’ai continué à réfléchir sur moi-même, en comparant ce que je connais maintenant de l’introversion avec mon expérience personnelle.

Le lien avec la réflexion ci-dessus vient du fait que, comme je le disais précédemment, l’introverti vit dans une société et un mileu fait pour les extravertis (environ les ¾, vous vous souvenez ?) avec pour conséquence primordiale (en tout cas dans mon cas), la nécessité de porter un masque en permanence pour ne pas « faire tache », ne pas apparaitre trop différent des autres sous peine de se voir regarder de travers voire devoir supporter des réflexions sur son état — tu es sûr que ça va ? — ou pire, de se voir isoler.

La conséquence principale de ce masque est d’engendrer une fatigue morale et physique parfois importante. Je sais déjà que je m’épuise facilement lors d’événements particuliers (le live tweet que j’ai fait mardi dernier, aussi passionnant et utile qu’il ait été m’a plombé le mercredi…) mais en fait, je peux maintenant relier ça avec un état de fatigue quasi-permanent que je ressens depuis des années sans le comprendre.

Ça a l’air tout bête dit comme ça et je suis le premier à admettre qu’il y a pleins d’autres bonnes raisons à cet état de fatigue (ma propension à me coucher tard, ayant toujours l’impression de manquer quelque chose si je vais dormir, ce sentiment de perdre mon temps — même si j’adore mon lit).

Je pense néanmoins que ce masque donc, a tendance à prendre une part non négligeable de mon énergie. Que je rassure tout le monde (s’il y avait des inquiets !), je n’ai pas l’intention de prendre l’introversion comme excuse pour tous mes travers ou insuffisances mais il faut être conscient — moi le premier — de la manière dont je réagis et fonctionne.

C’est une partie du paradoxe avec laquelle doit vivre l’introverti timide que je suis. Le week-end approche, je veux sortir et voir du monde (comme beaucoup, j’aime mes amis et j’aime les voir) mais en même temps, je dois, aussi bien pour eux que pour moi, me ménager du temps seul.

Et seul, ça veut dire passer du temps à ne rien faire, à limiter les interactions avec le monde extérieur (la communication électronique heureusement consomme beaucoup moins de cette énergie précieuse), même si j’ai l’impression durant ces moments là d’être complètement inutile et plus proche de la lavette que d’un être humain. Au moins, je peux m’accepter dans cet état maintenant.

J’ai mentionné au dessus « timide »… ce n’est pas par hasard. Comme je l’ai dit également dans l’article précédent, j’ai toujours eu quelques soucis dans ma vie amoureuse et là encore, je comprends mieux pourquoi, en quoi ça génère encore plus de réflexions et discussions interieures avec celle1 qui a pris mon cœur en ce moment. Ben oui, ça nous arrive aussi à nous heureusement.

C’est juste comme beaucoup de choses, plus difficile. D’où évidemment encore plus de discussions intérieures, en essayant de deviner ce que serait la réponse à telle ou telle question ou réflexion — virtuellement — échangée avec cette personne, qu’on connait à peine, qu’on aimerait connaitre plus, voir plus mais en ayant peur de se montrer trop entreprenant, trop présent2. On a beau lui avoir dit qu’on s’intéressait à elle, on — je ! — se demande si ça a bien été compris… il y a des signes encourageants mais est-ce peut-être sur-interprêté de ma part ?

Cette peur3 qu’on intériorise encore et encore, jusqu’à se dire tout et son contraire, repoussant donc sans cesse le moment où on pourra enfin discuter avec elle, ce moment où on va peut-être savoir si ces sentiments sont réciproques (ou pas, comme très — trop — souvent). Ce moment redouté parce qu’on va peut-être perdre une amie — une des pires choses qu’y puisse arriver ; on a plus ni l’amie ni la potentielle amoureuse.

On n’a qu’une vie par contre et il n’y a pas de meilleure raison pour faire quelque chose.

Je crois que la meilleure illustration sera ce dessin, vu passer il y a deux ans sur FB… Pancarte …mais ça n’enlève pas la peur.

Des fois, j’envie les extravertis quand même… mais finalement non. Aussi difficile que soit cette vie, c’est la mienne.

Notes

  1. Pour une fois, je suis dans la majorité hétéro cis-genre blanc homme, non pas que j’en tire quelque gloire que ce soit, c’est ainsi.

  2. Ou de passer pour un crevard…

  3. Je connais très bien la litanie du Bene Gesserit sur la peur qui se trouve ici mais elle n’a jamais fonctionné avec moi…